Les figures de style

Qu'est-ce les figures de style ?

      On appelle figures de style, les procédés qui modifient un énoncé de base en un autre énoncé plus complexe. Ces précédés ne s’emploient pas seulement en littérature, ou dans les beaux discours, mais font partie, aussi, du langage courant, ordinaire, familier. Ainsi, quand vous émettez l’idée d’aller « boire un verre », vous utilisez (sans le savoir peut-être ?) une figure de style qui consiste à désigner le contenu par le contenant : en réalité, ce n’est pas le verre que vous allez boire (car un verre est un récipient), mais le liquide qui le contient. L’énoncé de base, je vais boire de l’eau a été modifié, par MÉTONYMIE, car tel est le nom de cette figure de style, en un énoncé plus complexe, comprenant le mot verre pris dans le sens figuré de « boisson ».

            Depuis l’Antiquité, existe la RHÉTORIQUE, ou l’art du discours, et les auteurs antiques, comme Aristote et Cicéron, ont insisté sur l’importance de cet art oratoire qui s’appuie notamment sur les figures de style pour charmer, convaincre et persuader l’auditoire. Jusqu’au XIXe siècle, la rhétorique a été enseignée à l’école.

            Une nouvelle science est apparue à la fin du XIXe siècle et au début du XXe : la linguistique, qui analyse tous les processus de la langue. Grâce à la linguistique, les figures de style ont été analysées, étudiées scientifiquement, et classées en catégories, ce qui a permis de les cataloguer. La linguistique a montré que les figures de style jouaient en priorité sur l’écart entre ce qui est dit et ce qui est suggéré. Plus généralement, elles utilisent toutes les subtilités et les stratagèmes offert par la langue, et ce dans au moins un double but : esthétique et poétique d’une part ; et d’autre part, pour donner plus d’expressivité, de force ou de charme au discours.


 

Les figures de répétitions et d'insistances

Ces figures de style reposent sur la répétition d’un mot, d’une structure de phrase ou encore sur un son, afin de mettre en valeur une idée (celle qui est répétée). 

L’assonance

« Les sanglots longs

Des violons »  Paul Verlaine

L’assonance consiste en la répétition, dans une même phrase ou dans un ensemble de vers, d’un même son vocalique, c’est-à-dire produit par une ou plusieurs voyelle (a, e, é, è, i, o, u, ai, oi, ou...). Les sonorités an, un, on et in sont également dites vocaliques. La première strophe de la Chanson d’automne, de Paul Verlaine, est un superbe exemple d’assonance en o et en on : "Les sanglots longs ; Des violons ; De l’automne ; Blessent mon cœur ; D’une langueur ;Monotone." Ici, l’assonance illustre la langueur, la mélancolie du poète, et la répétition des sons o et on évoque une longue plainte. L’assonance a été, historiquement, une forme élémentaire et rudimentaire de rime. En effet, les plus anciens poèmes français du Moyen Age n’avaient pas de rime, mais des assonances en fin de vers : par exemple lorsqu’un vers se terminait par le mot visage, on pouvait achever le vers suivant par le mot face, car seul l’accent tonique, portant ici sur le a, était important pour les sonorités finales. 

 

L’allitération

« Pour qui sont ces serpents » (Jean Racine)

Alors que l’assonance est l’écho du même son vocalique, l’allitération, elle, joue sur la répétition du même son consonantique (produit par une ou des consonnes). Dans Andromaque, de Racine, Oreste, devenu fou, et poursuivi par les déesses de la vengeance, leur demande : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? On a là un cas d’harmonie imitative : l’image des serpents s’accompagne du bruit de leur sifflement suggéré, imité par l’emploi répété de la consonne s, par l’allitération en s. L’allitération, souvent, se développe en fantaisie sonore, en jeux de langage : Didon dîna dit-on du dos de dix dodus dindons. Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien. 

 

L'anaphore

« Cœur qui a tant rêvé, O cœur charnel,
O cœur inachevé, Cœur éternel »
 (Charles Péguy)

Par la répétions d’un même mot (comme la mot cœur dans les Quatrains de Péguy), souvent placé en début de phrase ou de vers, on martèle une idée, on insiste, on souligne, bref, on amplifie. En grec, anaphora signifie « porter de nouveau » et donc « répéter ». Corneille nous fournit, dans sa tragédie Horace, un des plus fameux exemples d’anaphore, avec ces imprécations prononcées par Camille contre son frère Horace, qui vient de tuer Curiace, l’amant de Camille.

 

L'épiphore

Répétition d’un mot ou d’un groupe de mots en fin de phrase, ex : « Musique de l’eau/ Attirance de l’eau » (courant en poésie)

 

La répétition

Un même mot est répété plusieurs fois dans le texte, mais les mots répétés sont séparés dans la phrase ou dans le texte : « La terre était grise, le blé était gris, le ciel était gris » (Giono)

 

Le parallélisme

Il consiste à reprendre la même construction de phrase (syntaxique) ou le même rythme en deux endroits d’un énoncé : « J’ai tendresse pour toi, j’ai passion pour elle » (Corneille).

 

Le chiasme

Il est un parallélisme qui dispose ses termes de manière croisée, selon le schéma AB/BA : « Ce n’est pas l’Etat qui appartient au Prince, c’est le Prince qui appartient à l’Etat. » (Diderot)

 

L'accumulation

« adieu, veau, vache, cochon, couvée » (Jean de la Fontaine)

Dans la fable de la Fontaine la laitière et le pot au lait, une jeune laitière, Perrette, chemine vers la ville, pour y vendre son lait, en songeant à tout le profit qu’elle pourra en tirer : avec le prix du lait, elle achètera des œufs, qui lui donneront despoulets, en échange desquels elle aura un cochon, puis une vache et son veau... Mais soudain Perette trébuche, en reversant son lait : adieu, veau, vache, cochon, couvée ! Grâce à cette accumulation de substantifs, la perte et le malheur que Perette vient de subir se trouvent amplifiés. Rabelais raffolait de ce procédé de style, dont il se servait pour obtenir un effet comique. Ainsi, dans son Quart livre, on trouve cette intéressante collection d’onomatopées : hin, hin, hin, hin, hic, ticque, torche, lorgne, brededin, brededac, frr, frrr,frrrr, bou, bou, bou,bou... On trouve aussi, chez Madame de Sévigné, cette fantaisie langagière qui joue sur un excès de l’accumulation : Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable... La nouvelle, de fait, était d’importance, puisqu’il s’agissait de l’annonce du mariage de la Grande Mademoiselle (cousine de Louis XIV).

 

La gradation

Il consiste à accumuler des termes de même nature, dont l’intensité est croissante ou décroissante : "Je me meurs, je suis mort, je suis enterré !" (Molière) : gradation ascendante  « Mme de Cambremer serait ravie (...), heureuse (...), contente. » (Marcel Proust) : gradation descendante.

 

La prétérition

Elle consiste à faire semblant de ne pas vouloir dire quelque chose alors qu’on est justement en train de le faire : « Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais... » (cela permet d’attirer l’attention sur ce qui va suivre).

Les figures d'amplifications et d'atténuations

Les figures d’amplification consistent à accentuer la force ou la violence d’une idée ou d’un sentiment. Les figures d’atténuation servent à l’inverse à atténuer, à adoucir la dureté d’une réalité ou d’une émotion.

L'hyperbole

« C’est merveilleusement bon »

Pour mettre en valeur une idée, un sentiment, une description, et lui donner plus de relief, on emploie l’hyperbole (du grec huperballein, «dépasser la mesure»), figure qui «grossit» la réalité, comme lorsqu’on dit : "je meurs de soif". L’hyperbole se glisse dans le langage familier (et volontiers incorrect) avec l’usage, très fréquent, et qui perd donc de sa valeur, de « trop » : c’est trop bon, c’est trop beau, c’est trop bien... L’hyperbole est très fréquente dans l’épopée, où tout est en effet plus grand que nature. Dans la tragédie le Cid, de Corneille, le vers : "va, ours, vole et me venge" est une hyperbole : le héros ne marche plus, il court, il vole ! On peut citer aussi, dans Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, la fameuse tirade du nez : « C’est un roc !... C’est un pic !... C’est un cap ! / Que dis-je, c’est un cap ?... C’est une péninsule ! ». Le nez de Cyrano est certes de belle taille, de taille remarquable même, mais il prend là des proportions tout à fait extraordinaire, grâce à l’hyperbole (et grâce aussi à la métaphore, puisqu’on voit successivement ce nez se transformer en roc, en pic, en cap et en péninsule) !

 

La litote

« Va, je ne te hais point » (Pierre Corneille)

La litote (du grec litotês, « simplicité ») dit le moins pour en exprimer le plus. Ainsi Chimène, dans le Cid de Corneille, congédie son amant Rodrigue par ces mots « Va, je ne te hais poin », manière pudique de lui dire qu’elle l’aime encore. Car Chimène est tenue à la décence : son père ayant été tué en duel par Rodrigue, il serait choquant qu’elle avouât directement son amour à ce même Rodrigue. Cet exemple est le plus représentatif de la litote. Cette figure de style s’exprime, la plupart du temps, par une formule négative pour dire le positif : je ne te hais point pour dire « je t’aime » ; il n’est pas sot, cet enfant... pour « il est intelligent », je ne dis pas non pour « j’accepte volontiers...».

 

L'euphémisme

« Mon épouse est un peu enveloppée » (Un mari délicat)

C’est une figure de pensée : en effet, la pensée atténue le constat, qui pourrait choquer. On détourne l’expression, pour la rendre moins brutale, moins vulgaire ou moins effrayante. Ainsi, par euphémisme, une « grosse dame » devient une dame un peu enveloppée, constat moins abrupt. De même, certaines ne vont jamais au WC (trop vulgaire) et préfèrent se rendre au petit coin. La mort est souvent un sujet tabou, et ainsi on refuse par crainte ou superstition, de prononcer son nom effrayant : pour dire « il est mort », on emploie des euphémismes comme : il a cessé de vivre ou il s’est éteint, ou encore il nous a quittés. En grec, euphêmismos signifie « emploi d’un mot favorable » (à la place d’un mot de mauvais augure, d’un mot pourrait porter malheur). Et les Grecs, par superstition, employaient un euphémisme pour désigner les Harpies, divinités furieuses et terribles de la vengeance : ils les appelaient les Euménides, les « Bienveillantes ». Au XVIIe siècle, les précieux et les précieuses, gens qui recherchaient le raffinement en toutes choses, et notamment dans le langage, et qui rejetaient le vocabulaire cru, jugé trop violent, usaient largement de l’euphémisme.

Les figures d'opposition

Les figures d’opposition rapprochent des termes dont le sens est contraire. Le but est de créer un effet de contraste pour souligner la tension entre deux idées, deux personnages.

L'antithèse

Il rapproche deux éléments opposés au moyen d’une construction symétrique : « je vis, je meurs : je me brûle et me noie » (L. Labé)

 

L'oxymore

«Cette obscure clarté qui tombait des étoiles » (Pierre Corneille)

Ici, il s’agit d’« appareiller », de joindre deux mots qui viennent de registres contraires, comme « obscure » et « clarté » dans un célèbre vers de Corneille (le Cid) : l’obscure est naturellement sombre et non clair ; et la clarté éclaire, mais n’obscurcit pas. Cette union de mots contraires frappe l’imagination, et cette rencontre bizarre provoque d’un côté le sentiment de l’étrangeté, et, de l’autre, le sentiment d’une beauté presque surnaturelle. L’oxymore est proche du paradoxe, et crée un heureux effet de surprise. Il fait surgir des images d’une grande force poétique, en exprimant ce qui est inouï, inconcevable ordinairement, et permet aussi de traduire des émotions et des sentiments contradictoires (un plaisir qu’on redoute et désire tout à la fois suscite, chez Flaubert, un effroi voluptueux). Le nom oxymore, du grec oxumôron, est d’ailleurs lui-même une alliance de mots contradictoires puisqu’il est fermé de Oxus, « pointus » ou « subtil », et de môrros, « émoussé » ou « stupide ».

 

Le paradoxe

Il énonce qui parait contenir une contradiction. Le paradoxe est très efficace dans une argumentation, car il surprend et remet en cause les évidences. « On est quelquefois aussi différent de soi-même que des autres ». (La Rochefoucauld).

 

L'attelage

Il rapproche deux compléments désignant un élément concret et un élément abstrait, ex : « Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe. » (Flaubert). Ici, le rapprochement de « l’âme » et de la « jupe » provoque un effet comique et illustre l’ironie flaubertienne.

Les figures de substitution

Ces figures consistent à remplacer un mot ou une idée par un autre mot ou une autre expression qui va apporter une nuance ou un effet inattendu.

La métonyme

« La table 12 s’impatiente »

Qui s’impatiente ? La table, vraiment ? Non, bien sûr. Ce sont les clients assis à la table 12 qui commencent à trouver le temps long, et qui aimeraient qu’on s’occupe d’eux rapidement. Le serveur du restaurant a fait un raccourci, et le cuisinier auquel il s’adressait à parfaitement compris qu’il s’agissait d’une métonymie. Comme son étymologie l’indique, la métonymie (du grec metônumia, ‘changement de nom ») est le remplacement d’un mot par un autre, les deux étant toujours liés étroitement. La métonymie est fondée sur une relation logique entre deux mots, et c’est ce qui la distingue de la métaphore, où la relation est analogique. Explication : dans le cadre d’un restaurant, il y a un rapport évident entre les mots table et client, et, dans l’esprit du serveur, ces mots sont étroitement associés ; il sert des clients, assis à une table... Métonymie: il sert une table. Mais il n’existe aucune analogique, c’est-à-dire aucune ressemblance de forme, d’aspect ou de caractère, entre les clients et la table. Si, en revanche, le serveur dit d’un client « c’est un ours », les mots client et ours, qui n’ont ordinairement aucun lien entre eux, se trouvent placés dans une relation analogique : le client en question a un caractère bourru, comme l’ours, animal réputé peu aimable. Métaphore, donc :« Quel ours ! »

Quelques exemples, dont on fait usage est courant : c’est une décision de l’Élysée (comprenez - une décision du Président de la République, qui vit à l’Élysée) ; le premier violon est malade (bien sûr, c’est le chef violonistes de l’orchestre qui est souffrant, et non son instrument). La métonymie, on le voit, permet souvent un raccourci dans l’expression, et a parfois valeur de symbole, comme lorsqu’on dit « la couronne » pour désigner le roi ou la reine.

 

Le synecdoque

« Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumière » (Charles Baudelaire)

Cette figure, qui est un cas particulier de la métonymie, consiste à utiliser le tout pour la partie, ou, plus souvent, la partie pour le tout. Comment utiliser la partie pour le tout ? Prenez un tout, par exemple un bateau, avec coque, mât, voiles, et équipage ; choisissez une partie de ce tout, par exemple les voiles, et utilisez-la pour désigner le tout. Résultat : "Sur la Seine passaient les voiles". Si le tout est une femme, on peut, comme Baudelaire, choisir ses yeux pour la désigner, et obtenir ainsi un effet poétique saisissant: Ils marchent devant moi, ces yeux... Comment utiliser le tout pour la partie ? Prenez par exemple une équipe de football ; voyez à quel tout appartient cette équipe (ville ou pays quel représent-ils ?), et utilisez ce tout pour la nommer : l’Italie a gagné par 2 à 0 contre la France. La synecdoque établit un rapport d’inclusion entre deux termes : la voile (la partie) est incluse dans le navire (le tout) ; l’Italie (le tout) inclut l’équipe nationale italienne de football (la partie). Ce rapport d’inclusion existe aussi lorsqu’on prend la matière pour l’objet, ou encore lorsqu’on utilise un terme au singulier en lui donnant la valeur d’un pluriel : les deux escrimeurs croisaient le fer (« la lame en fer de leur épées », et ici la matière est prise pour objet) ; encerclées par l’ennemi, lestroupes romaines furent héroïques (l’ennemi = « les soldats ennemis »).

 

La périphrase

« Le Roi des animaux, en cette occasion, montra ce qu’il était, et lui donna la vie. » (La Fontaine)

Quant on dit le jus de la vigne pour « le vin », ou le roi des animaux pour « le lion », on use de cette figure de style appelée la périphrase : un simple mot est remplacé par des éléments de phrase plus complexes, jouant sur l’implicite, mais avec suffisamment d’indices pour que l’interlocuteur puisse comprendre. Le mot est issu du grec périphrases, lui-même formé à partir du verbe periphrazein, signifiant « exprimer par un détour, par circonlocution ». Les précieux et les précieuses du XVIIe siècle, qui souhaiteraient se distinguer, entre autres, par leur langage, étaient des virtuoses de la périphrase : avec eux, un simple balai devenait un instrument de la propreté, le miroir était le conseiller des grâces, et les fauteuils, les commodités de la conversation ; quant au verre d’eau, il était le bon ton de l’appeler plutôt un bain intérieur. Quelques périphrases usuelles : la Venise du Nord (pour Bruges, ville Belge, qui est parcourue de canaux) ; la ville Lumière (Pour Paris) ; la ville rose (pour Toulouse); le toit du monde (pour l’Himalaya) ; des billets verts (pour des dollars) ; le vieux continent (pour l’Europe) ; la langue de Shakespeare (pour l’anglais)...

 

L'antiphrase

« Cinq centimes de pourboire ? Quelle générosité ! »

Cette figure consiste à exprimer le contraire de ce qu’on pense réellement. Exemple : Tu as eu un zéro en histoire ? Ah, bravo ! Félicitation ! Tu es sans doute très fier de toi ? En fait, la personne qui parle juge ce résultat (le zéro en histoire) lamentable et honteux, et c’est par ironie, une ironie cinglante, qu’elle emploie l’antiphrase. En effet, l’antiphrase est un des procédés favoris de l’ironie, comme la périphrase d’ailleurs. Dans Candide, Voltaire, maître suprême en ironie, parle, pour désigner une prison, des appartements d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé par le soleil : ici, la périphrase (« des appartements d’une extrême fraicheur » pour dire la prison) est associé à l’antiphrase, puisque la prison devient un lieu frais (en réalité : glacial), où l’on ne risque pas d’être gêné par l’ardeur du soleil (comprenez, au contraire : où l’on souffre de l’absence sinistre de lumière et de chaleur), pour servir l’ironie du propos.

 

L'hypallage

«Un vieil homme en or avec une montre en deuil » (Jacques Prévert)

Hypallage, nom féminin, vient d’un mot grec qui signifie « échange, intervention ». Cette figure consiste à attribuer à un mot d’une phrase ce qui logiquement convient à un autre mot de cette même phrase. Exemple : des pas cristallins et argentins sur le sable. On voit bien que c’est le sable qui évoque le cristal (ses mille petits points brillants), en même temps que l’argent (sous le soleil, le sable prend une couleur argentée) ; les deux adjectifs ont donc été déplacés d’un mot à l’autre, du sable aux pas, au mépris certes de la logique, mais pour créer un effet expressif, indéniable et original (le bruit de cristal et d’argent sous les pas sur le sable).

De même, chez Hugo, dans son poème A Canaris, on voit un marchand accoudé sur son comptoir avide. Or, l’avidité est un désir humain, et c’est le marchand qui, en réalité, est avide. L’adjectif, comme dans toute hypallage, a glissé du marchand au comptoir. Poussé à l’extrême, l’hypallage peut donner des résultats tout à fait absurdes et surréalistes, comme lorsque Prévert fait surgir, à notre plus grande surprise, et pour notre plus grand amusement, « un vieil homme en or avec une montre en deuil » (au lieu de la phrase attendue : un vieil homme en deuil avec une montre en or).

 

L'antonomase

Il s’agit là d’une figure qui remplace un nom commun par un nom propre. Un séducteur ainsi devient un Don Juan, et un bel homme un Apollon. En poésie, quand Louis Aragon parle, dans la Nuit de Mai, de soldats morts au combat, il leur donne par l’effet de la majuscule, des noms propres: ...et je me risque / Où vous errez Malendormis Malenterrés... A l’inverse, lorsqu’on remplace un nom propre par un groupe nominal, il y aussi antonomase : par exemple, le fils de Laërte est une antonomase désignant Ulysse (et aussi une périphrase, car dans ce cas les deux figures se superposent).

Les figures d'équivalence

Ces figures rapprochent deux termes en établissant entre eux une équivalence de sens.

La comparaison

« La Terre est bleue comme une orange » (Paul Éluard)

C’est sans doute la figure de style la plus simple, la plus évidente, la plus repérable. Elle met en relation deux éléments, un comparé et un comparant, au moyen d’un comparatif, c’est-à- dire d’un mot permettant de comparer (comme, tel que, pareil à, semblable à, aussi...que, plus...que, ressembler à, paraître...). Dans l’exemple ci-dessous, la Terre est le comparé, uneorange la comparant, et comme l’outil comparatif. Gaston est aussi aimable qu’une porte de prison. Telle une statue, elle restait immobile au milieu de la place. La queue du chat ressemblait à un point d’interrogation. Souvent, la comparaison sert à magnifier l’objet du discours : le chevalier était fort comme un lion (on fait surgir l’image du roi des animaux) et beau comme un dieu (le voilà divinisé!). La princesse le regardait, admirative, de ses grands yeux verts semblables à deux pures émeraude (les yeux, comparés à des pierres précieuses, sont tous de suite plus brillante, plus remarquables).

 

La métaphore

« Cette faucille d’or dans le champ des étoiles » (Victor Hugo)

Prenez une comparaison : par exemple, la lune est comme une faucille d’or parmi les étoiles. Supprimer l’outil comparatif (ici, comme), et vous obtenez une métaphore : la lune est une faucille d’or, ou la lune, faucille d’or parmi les étoiles. L’image de la lune et celle de la faucille se trouvent ainsi, en quelque sorte, superposées, et la lune qui, dans la comparaison, ne faisait que ressembler à une faucille, par la magie de la métaphore (mot qui vient du grec metaphora, signifiant « transport » et « changement, transposition de sens »). Pour passer de la comparaison à la métaphore, nous avons, dans l’exemple donné, conservé la comparé (la lune) et le comparant (la faucille). Or, on peut parfois se passer de comparé, pour ne conserver que le comparant : là-haut dans le ciel, la faucille d’or brillant parmi les étoiles. La lune, cette fois n’est pas nommée, mais son image pourtant s’impose avec force ; la métaphore est plus subtile, plus poétique. C’est une métaphore in absentia, « en l’absence » du comparé, par opposition à la métaphore in praesentia, « en présence » du comparé.

-Métaphore in praesentia :

L’arbre étendait ses branches, longs bras décharnés.

-Métaphore in absentia :

L’arbre étendait ses longs bras décharnés.

Quand une métaphore est reprise par plusieurs termes, et qu’elle se trouve ainsi développée (par exemple sur plusieurs vers, en poésie), on parle de métaphore filée. Certaines métaphores, appelées catachrèses, font intégrante et usuelle de la langue : les bras d’un fauteuil, les ailes d’un moulin, une bouche d’égout, fondre en larmes... Toutes ces expressions sont imagées, puisqu’un fauteuil n’a pas réellement de bras, ni l’égout une bouche au sens propre, et que personne n’a jamais fonduphysiquement en se mettant à pleurer.

 

La personnification

« Le corbeau honteux et confus / Jura, mais un peu tard, qu’on l’y prendrait plus »

On appelle personnification (du latin persona, le « masque » et, par extension, la « personne ») le procédé qui consiste à attribuer, à un animal ou un objet, par exemple des sentiments, des comportements ou des traits propres aux humains. Le Roman de Renart est l’un des plus fameux exemples de personnification animaux, avec dans le rôle principaux, messire Renart, bien sûr, Ysengrin le loup, Noble le lion, Tibert le chat... Ici, les personnages, tous en conservant leur apparence animale, pensent, parlent, agissent comme des humains. Dans les Fables de la Fontaine, les animaux se trouvent aussi personnifiés, et l’on voit un loup discuter avec un agneau, une fourmi refuser d’aider une cigale, un corbeau « honteux et confus » de s’être laissé prendre aux flatteries d’un renard... Pour un objet personnifié, laissons la parole à Pierre Ronsard, qui dans ses Odes, prête aux arbres des chevelures : "Bois, bien que perdiez tous les ans / En hiver vos cheveux mouvants, / L’an d’après qui se renouvelle, Renouvelle aussi votre chef [votre tête]" On peut aussi bien personnifier une idée. La Beauté devient, une femme séductrice. Tous les dieux de l’Antiquité grecque sont des personnifications d’éléments ou d’idée.

 

L'animalisation

Il consiste à attribuer des caractéristiques animales à un être humain, ex : « les ménagères réunissaient leurs mioches pourdonner la pâtée, comme des gardeurs d’oies assemblent leurs bêtes ».

 

La réification

Il consiste à représenter un être vivant sous la forme d’une chose, d’un objet : « Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis ».

 

L'allégorie

« La Prudence est mère de Sûreté » (Proverbe)

En grec, allêgorein signifie « parler par figures, par images», c’est-à-dire en transformant une idée abstraite en un être animé, concret. Ainsi, la justice (idée abstraite) est souvent représentée par une femme tenant dans ses mains une balance (symbole de la justice qui pèse les fautes commises). Traditionnellement aussi, l’image allégorique de l’amour est celle d’un enfant ailé, armé d’un arc et de flèche pour toucher les cœurs, et y introduire le désir amoureux. L’allégorie est un processus de symbolisation, par une personnification. Une œuvre entière peut être une allégorique : c’est le cas du Roman de la Rose (XIIIe siècle), vaste poème composé par Guillaume de Lorris, puis continué par Jean de Meung. Dans ce poème, nourri de leçons morales sur l’art d’aimer et sur la vraie noblesse du pur amour et du cœur vertueux, les personnages sont des allégories, comme leur nom l’indique : on voit Amant, en quête de la Rose (la femme idéale), rencontrant Nature qui lui donne des conseils ; dans sa quête. L’allégorie est donc représentation qui prête apparence humaine et vie propre aux qualités, vertus ou défauts, aux âges de la vie ou encore aux saisons, comme ces vers composés au XVe siècle par Charles d’Orléans : Hiver, vous n’êtes qu’un vilain ! Été est plaisant et gentil...

 

Le prosopopée

« -En hiver, sortez couverts, nous dit la voix de la Raison »

Très proche de l’allégorie, la prosopopée (du grec posopôn, la « personne ») fait parler et discourir une notion abstraite, qui s’adresse ainsi, de façon imagée, à l’homme. La plus belle et la plus célèbre des prosopopées se trouve chez le philosophe grec Platon, dans son Apologie de Socrate: en prison Socrate, à qui ses amis conseillent de fuir, de s’évader, refuse, et fait parler les Lois, lesquelles veulent être respectées, pour le bien de la cité. La poésie utilise aussi la prosopopée, comme Alfred Musset, dans la Maison du Berger, quand la Nature se présente à lui, et lui parle :

Elle me dit « Je suis l’impassible théâtre
Que peut remuer le pied de ses acteurs
[...]
Je n’entends ni os cris ni vos soupirs ; à peine
Je sens passer sur moi la comédie humaine
Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.

Date de dernière mise à jour : 12/03/2022

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