Le conte
Il était une fois un conte...
Venu de la nuit des temps, le conte est sans doute l’une des premières expressions de l’âme populaire, profondément liée à ses peurs et à ses angoisses primitives : l’Ogre des contes est ainsi représentatif de la peur de la dévoration, comme d’ailleurs la sorcière d’Hansel et Gretel ; les mauvaises fées, celles de La belle au bois dormant par exemple, symbolisant l’angoisse de la mort (et d’ailleurs le mot fée vient du latin fata, forme féminine de fatum, le « destin », la « fatalité »). Mais le conte est avant tout une petite histoire, dont le but peut être moral et/ou divertissant, et qui suit des codes narratifs très récurrents et reconnaissables.
Le conte exploite toute la richesse d’un « inconscient collectif », constante de toutes les contrées et de toutes les civilisations, puisque par exemple, il existe une version chinoise, et très ancienne du Petit Chaperon Rouge.
Les contes appartiennent originellement à la littérature orale, et ce n’est que tardivement qu’ils ont été transcrits. Littérature orale, colportée de village en village par les conteurs qui faisaient métier de divertir les gens en leur narrant des histoires merveilleuses, à la fin des moissons, où à la veillée dans une grange où les paysans se réunissaient autour d’un bon feu.
En effet, le conte qui rapporte une histoire située loin dans le temps passé (un temps si lointain qu’il devient possible d’imaginer qu’alors, les animaux parlaient…), propose toujours en sa fin, un monde juste, où le réel est aboli au profit du merveilleux : « Il était une fois… ». Ainsi le conte nous offre un univers tragique (la sorcière, l’Ogre, la Barbe-Bleue, la présence terrible de la mort, les enfants perdus dans la forêt menaçante), où grâce à des adjuvants favorables (un chat botté, de bonnes fées), l’équilibre et le bonheur sont rétablis.
Il a fort longtemps...
Le conte naît avant tout dans le monde rural, où il est repris par de vieilles femmes qui ont la tâche de garder et de préserver la mémoire et le patrimoine des récits du peuple (volk en allemand, ce qui nous a donné le mot follklore). Les nourrices aussi ont joué le rôle de « transmetteuses » de ce savoir en le confiant aux petits enfants. Mais le conte autrefois, n’était pas d’abord réservé aux enfants, comme c’est aujourd’hui l’usage. Perrault contait pour charmer les adultes, les dames de la cour et les seigneurs. Les Contes de Perrault paraissent dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
"L'empire de Féerrie " comme l'appelle Mme Murat s'étend sur deux décennies situées entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle. Il connaît son age d'or de 1690, -année de parution du tout premier conte de fées L'Ile de la Félicité de Marie-Catherine d'Aulnoy- à 1709, année de publication des Chevaliers errants et le génie familier de Louise de Bossigny d'Auneuil. On interprete souvent le développement du conte fée pas l'esthétique du merveilleux propre au classicisme, Louis XIV n'ayant eu de cesse de cultiver l'enchantement et le faste magique lors des grandes fêtes royales. Mais c'est bien l'austérité du règne finissent qui en accèlere l'essor et vient le constituer en sorte de parenthèse heureuse au millieux de ces années relativement sombres. Su le plan intellectuel, la période est marqué par de fortes tension au sein de l'Académie française provoquées par la querelle des Anciens et des Modernes, qui a débuté lorsque Perrault y fait lire son poème Le siècle de Louis le Grand en 1687. La réapparition du conte de fée n'est pas neutre à cet égard. Les Modernes s'emparent du genre pour nourrir le débat idéologique et défendre leur cause en affirmant à travers lui la supériorité de la littérature française. Entre leur mains, le conte de fée devient un objet proprement littéraire, c'est-à-dire livré à un travail de réécriture qui l'écarte de la tradition orale et populaire jugée vulgaire par les Anciens. Ce traitement littérarisé hisse le conte de fée ai rang de genre digne d'être lu par un public cultivé, tout en garantissant une mise à distance avec les représentation stéréotyppées et réductrices qui en font une production de vieilles nourrices réservée aux enfants. Les conteuses de cette générations s'éloigent du matériau folklorique pour privilégier les sources littéraires puisées dans le fonds du Moyen-Âge ou dans le fonds de la Renaissance italienne.
Au XVIIIe siècle, les frères Grimm ont fait œuvre de philologues (d’historiens de la langue) en collectant les vieux contes et légendes germaniques, et en transcrivant scrupuleusement ces anciens « poèmes » de l’âme populaire, avec leur simplicité, leurs répétitions voire leur maladresse et leur morale naïve, car malgré les obstacles rencontrés par le héros, la vertu est toujours à la fin récompensée et le sentiment de la justice triomphe. Il révolutionne le paysage littéraire de la fin du XVIIe siècle. L'engouement est porté par la diversité des formules éditoriales: contes séparés, contes publies dans le Mercure galant, conte mêlés à des pièces en vers et en prose, recueils de conte... L'accroissement des publications s'accompagne d'une surenchère dans les titres d'une émulation entre conteuse.
En passant de la tradition orale à l’écrit, les contes ont permis à de nombreux auteurs de s’illustrer dans ce genre : en Italie au XVIe siècle, Straparola et Basile ; en France bien sûr Charles Perrault et aussi Madame d’Aulnoy et Madame de Beaumont, en Allemagne, les frères Grimm. Ensuite, à partir du XIXe siècle, la liste des auteurs de conte s’allonge considérablement : Nodier, Dickens, Andersen, et dans le genre plus réaliste, Flaubert et Maupassant. Puis au XXe siècle, le conte est désormais réservé en priorité aux enfants, car « Tant que dans le monde on aura des enfants,/Des mères et des mères-grands,/On en gardera la mémoire » (Perrault, dans Peau d’âne), et qui sera principalement repris et modifier par la firme Disney.
Les différents contes
Le conte populaire
Venu des campagnes et des provinces aux mœurs paysannes, le conte populaire est le témoignage le plus ancien d’une littérature orale, familière, née de la terre et des villages, des saisons aux rudes hivers, engendrant la faim, et des forêts profondes. Les personnages dans ce type de conte souvent n’ont pas de nom, et sont simplement désignés par leur métier (« un bûcheron dans la forêt », « une jolie bergère »… ), ou bien reçoivent un sobriquet qui évoque leur principale caractéristique : ainsi la souillon qui vit près des cendres du foyer est appelée Cendrillon ; l’enfant qui à sa naissance n’était guère plus gros qu’un pouce, devient le Petit Poucet, et la fillette qui arbore un capuchon rouge se voit attribuer le surnom de Petit Chaperon rouge.
Le conte de fées
On y trouve la plupart du temps un univers aristocratique, propre à flatter le goût d’un public noble. Apparaissent alors des princesses et le « stéréotype » du prince charmant. Tout se situe dans des châteaux moyen-âgeux, et les fées illustrent le combat entre les forces du mal (la méchante fée) et les pouvoirs du bien (les bonnes fées). La situation comme dans le conte populaire est souvent tragique (la mort, la cruauté, la dévoration, le crime rôdent, menaçants, prenant tantôt la forme d’un être sanguinaire, telle la Barbe bleue, tantôt celle d’un roi odieux, tel le père de Peau d’Âne), mais grâce en soit rendue aux bonnes fées, le merveilleux l’emporte et assure une fin juste et heureuse : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».
Le conte philosophique
Voltaire, au XVIIIe siècle, est le maître de ce genre, avec des œuvres telles que Zadig ou Candide. Le conte philosophique conserve les ingrédients et procédés du conte traditionnel (le merveilleux, les personnages stéréotypes, une suite de péripéties…), et les utilise pour faire passer des idées nouvelles, ou pour susciter une réflexion philosophique. Voltaire ainsi dénonce en s’abritant derrière des récits fictifs en forme de contes (pour échapper à la censure, qui était très sévère à son époque), l’injustice, l’intolérance, la bêtise, les idées reçues, les superstitions… Le conte devient ainsi une arme pour combattre le monde ancien. Il allie le plaisir de l’imagination et du divertissement à l’enseignement d’une pensée que l’auteur veut transmettre ; il distrait tout en instruisant.
Le conte fantastique
Il obtient le plus vif succès à l’époque romantique (au début du XIXe siècle). Dans ce type de conte, il y a toujours confusion du rêve et de la réalité, car peu à peu le rêve envahit la réalité. De même, le cauchemar, l’irrationnel, le surnaturel l’emportent. Les contes romantiques, fantastiques, sont des fantasmes qui naissent d’une imagination déréglée. Les contes de l’écrivain Allemand Hoffmann et de Nodier en France, appartiennent à ce genre.
Le conte réaliste
Là, il s’agit avant tout, à la place du merveilleux et du surnaturel, de faire naître chez le lecteur « l’inquiétante étrangeté » : le monde réel devient dans sa réalité même, menaçant, obscur. Le conte réaliste cerne au plus près la vie quotidienne pour y faire surgir un élément toujours réaliste, mais sinistre, angoissant, morbide. La folie n’est plus une rêverie romantique, mais un cas terrifiant, relevant du fait divers. Le maître de ce genre, à côté de Flaubert et Zola, est sans conteste Maupassant.
Date de dernière mise à jour : 16/02/2023
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